Influenceurs virtuels IA et profil générés : de nouveaux acteurs sur les réseaux sociaux
Par Guillaume Ribemont - 4 novembre 2025
Avec l’essor de l’intelligence artificielle, les pratiques digitales se transforment. Sur les réseaux sociaux une mutation s’opère depuis plusieurs années déjà : après les créateurs de contenu et les influenceurs, de nouveaux profils ont fait leur apparition : les influenceurs virtuels et les profils générés par IA.
Si leur usage est largement répandu dans nos fils sociaux, leurs pratiques posent une question clé : comment mesurer la valeur réelle d’une campagne quand une partie des interactions est artificielle ? Nos experts se sont posés la question et répondent pour vous.
INFLUENCEURS VIRTUELS IA ET PROFILS GÉNÉRÉS : DE NOUVEAUX ACTEURS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
Influenceurs IA : un atout créatif qui divise
On pensait que les influenceurs virtuels IA resteraient une curiosité réservée aux marques les plus avant-gardistes. Pourtant, en quelques années, ces avatars virtuels hyperréalistes comme Lil Miquela, Shudu Gram ou encore la Brésilienne Lu do Magalu ont rassemblé des millions d’abonnés et signé des collaborations avec des grands de la mode ou de la tech à l’image de Dior, Balmain ou même Renault.

Capture d'écran des profils Instagram de : Lil Miquela, Lu do Magalu et Aitana Lopez
Leur promesse est simple : une image parfaitement maîtrisée, une disponibilité permanente et, surtout, des coûts de production bien plus légers que ceux des influenceurs humains. Selon une étude HypeAuditor (2023), les campagnes impliquant des influenceurs générés par IA afficheraient en moyenne des taux d’engagement 2 à 3 fois supérieurs aux campagnes classiques. D’autres études évoquent un gain d’engagement de 3 % et une réduction des budgets d’environ un tiers.
Mais la réalité est plus nuancée. D’après la Fédération mondiale des annonceurs, seules 15 % des grandes entreprises ont osé tester un influenceur IA. Les autres redoutent un impact négatif sur la confiance et l’authenticité. Et les polémiques ne tardent pas : début 2025, l’avatar @himamaliv, présenté comme une « mère noire queer », a déclenché un bad buzz immédiat, forçant ses créateurs à fermer ses comptes. Dans la foulée, Meta a confirmé le retrait de ses propres profils/“personnages” IA expérimentaux sur Facebook et Instagram.
La recherche vient renforcer ces inquiétudes. Des travaux de l’université Northeastern montrent que la promotion d’un produit défectueux par un avatar IA entraîne une perte de confiance plus importante que lorsqu’elle est réalisée par un influenceur humain. Autrement dit, dans ce domaine, l’erreur coûte encore plus cher.
PROFILS GÉNÉRÉS PAR IA : QUAND LES PLATEFORMES FABRIQUENT LEUR PROPRE AUDIENCE
Après les influenceurs virtuels, une autre tendance s’impose sur les réseaux, plus discrète mais tout aussi structurante : la génération massive de profils IA par les plateformes elles-mêmes.
Depuis fin 2024, Meta expérimente des millions de profils sociaux artificiels générés par IA, autrement dit de faux comptes automatisés, dotés de photos, de biographies et capables de publier, commenter et interagir comme de vrais utilisateurs. L’objectif affiché de cette pratique : créer plus de contenu et augmenter le temps passé sur la plateforme pour rivaliser avec TikTok dans la bataille de l’attention.
À distinguer toutefois des “faux comptes” structurels (doublons/usurpations/spam) qui persistent depuis des années sur Facebook : historiquement, Meta estime autour de ~11 % de comptes dupliqués et ~5 % de comptes faux à l’échelle mondiale.
Cette pratique soulève un problème majeur : la possibilité d’un gonflement artificiel des métriques. Dans certains cas extrêmes, jusqu’à 70 % des abonnés d’un compte pourraient être des profils IA. Une inflation artificielle faussant les taux d’engagement, la portée des campagnes et même la fiabilité des KPIs publicitaires, qui risque de tromper annonceurs et agences.
Avec cette pratique, les marques risquent d’investir sur la base d’indicateurs gonflés et de se retrouver avec des performances déconnectées des ventes ou des leads réels. Au-delà d’un simple problème technique, c’est toute la chaîne de valeur publicitaire qui est concernée : comment interpréter des résultats quand une partie de l’audience n’est pas humaine ? Cette question, cruciale, oblige annonceurs, agences et plateformes à revoir en profondeur leur manière de mesurer, piloter et communiquer la performance.
IA & SOCIAL MEDIA : L’IMPACT SUR L’ÉCOSYSTÈME PUBLICITAIRE
CE QUE ÇA CHANGE POUR LES ANNONCEURS
Face à cette mutation, les annonceurs se retrouvent dans une situation inédite : comment évaluer le retour sur investissement quand une partie des interactions échappe à leur contrôle ? Un coût par engagement attractif peut désormais masquer un volume important d’interactions non humaines, faussant l’analyse de performance.
Le risque est double. D’abord l’allocation budgétaire : se baser sur des indicateurs gonflés peut conduire à privilégier des leviers ou des créateurs moins performants qu’ils n’en ont l’air. Ensuite, la mesure du ROI devient complexe, quand les métriques traditionnelles (reach, engagement, impressions) ne reflètent plus fidèlement l’impact réel sur les audiences ciblées.
Pour s’adapter, les annonceurs doivent désormais exiger des données d’audience certifiées, auditer régulièrement leurs campagnes et corréler systématiquement les résultats média avec les ventes ou les leads générés. Une approche plus rigoureuse qui impose de nouveaux réflexes : privilégier la qualité des interactions à la quantité et investir dans des outils de vérification d’audience.
Côté Meta, un premier garde-fou existe déjà : la comparaison “Impressions” (trafic invalide exclu) vs “Gross Impressions (includes invalid)” permet d’approcher la part d’impressions suspectes/non humaines ; elle doit être complétée par des audits tiers (IAS, DoubleVerify, etc.).
CE QUE ÇA CHANGE POUR LES AGENCES
Pour les agences, cette évolution bouleverse la chaîne de reporting et exige une révision complète des indicateurs de performance. Les hausses d’engagement doivent à présent être analysées à l’aune de la part d’audience réellement humaine, complexifiant l’analyse des campagnes et la communication avec les clients.
Cette transformation oblige les agences à repenser leurs tableaux de bord en intégrant de nouveaux KPI : analyse de sentiments, taux de clic humain vérifié, taux de complétion vidéo sur audience certifiée… des métriques qui demandent plus de temps d’analyse, mais offrent une vision plus juste de la performance réelle.
Le rôle de conseil des agences évolue également. Il s’agit désormais d’expliquer aux clients pourquoi certains indicateurs nécessitent d’être relativisés et comment identifier la performance authentique. Une mission pédagogique cruciale pour maintenir la confiance et justifier les investissements média dans un environnement où l’apparence peut être trompeuse.
CE QUE ÇA CHANGE POUR LES PLATEFORMES
Les plateformes sociales se trouvent au cœur de cette problématique. D’un côté, elles cherchent à maximiser l’engagement et le temps passé sur leurs services. De l’autre, elles doivent préserver la confiance des annonceurs qui financent leur modèle économique.
La transparence devient un enjeu critique. Communiquer sur la proportion d’interactions générées par l’IA s’impose pour éviter une crise de confiance majeure. Les plateformes doivent innover dans leurs outils de mesure en distinguant clairement la portée totale de la portée humaine certifiée, et en affichant la part estimée d’audience IA. Dans ce cadre, Meta doit documenter l’écart entre “Impressions” et “Gross Impressions (includes invalid)” et encourager son usage conjoint avec des vérifications indépendantes.
Les crises comme celle de @himamaliv illustrent parfaitement les risques d’une communication tardive ou incomplète. Une gestion proactive de ces enjeux devient indispensable pour maintenir l’équilibre entre innovation technologique et confiance des partenaires publicitaires.
IA & SOCIAL MEDIA : VERS UNE ÉVOLUTION DES STANDARDS
CE QUE ÇA CHANGE POUR LES ANNONCEURS
Les annonceurs doivent repenser leur approche en exigeant une certification d’audience : tous les indicateurs clés (reach, impressions, clics) doivent être accompagnés d’une estimation de la proportion d’audience humaine. Cette transparence permet d’ajuster les budgets en connaissance de cause.
L’évolution doit également porter sur les objectifs : privilégier les conversions réelles, la qualité des interactions et la corrélation avec les ventes, plutôt que les volumes bruts d’engagements. Une approche qui demande plus de rigueur mais garantit un pilotage plus précis des investissements.
Enfin, les audits réguliers deviennent indispensables. Recourir à des outils ou prestataires indépendants pour vérifier la composition des audiences touchées permet de sécuriser les investissements et d’optimiser l’allocation budgétaire.
CE QUE ÇA CHANGE POUR LES AGENCES
Les agences doivent développer des reportings hybrides combinant données quantitatives (volumes, taux) et qualitatives (analyse de sentiments, pertinence des commentaires, engagements conversationnels). Cette approche plus riche offre une vision complète de la performance réelle.
Le filtrage et la segmentation deviennent des compétences clés : isoler les résultats obtenus sur audiences humaines certifiées et mesurer l’écart avec les performances globales. Cette granularité permet d’identifier les leviers les plus efficaces et d’optimiser les campagnes en conséquence.
La formation des équipes est cruciale. Préparer les collaborateurs à expliquer ces distinctions aux clients et à proposer des optimisations tenant compte de la qualité réelle de l’audience devient un avantage concurrentiel majeur.
CE QUE ÇA CHANGE POUR LES PLATEFORMES/RÉGIES
Les plateformes doivent proposer un double reporting natif : fournir aux annonceurs et agences un tableau de bord séparant clairement les performances globales de celles obtenues sur audience humaine vérifiée. Cette transparence préservera la confiance des partenaires publicitaires.
L’introduction d’indicateurs de confiance s’impose : un score de fiabilité de l’audience basé sur la détection interne et sur des audits tiers. Ces métriques permettront aux annonceurs d’ajuster leurs investissements selon le niveau de certitude souhaité.
La communication proactive devient stratégique. Informer en amont les partenaires de l’existence et du rôle des profils IA, plutôt que d’attendre une polémique publique, préserve la relation de confiance et évite les crises.
L’IA ouvre des perspectives créatives inédites, mais elle impose aussi de revoir la façon dont la performance publicitaire est mesurée et interprétée. Dans un environnement où une part croissante des interactions peut être artificielle, la valeur d’une campagne dépendra moins de ses volumes que de la qualité et de l’authenticité de l’audience touchée.
Cette évolution n’est pas qu’un défi technique : c’est une opportunité pour l’ensemble de l’écosystème publicitaire de gagner en maturité et en précision. Les acteurs qui sauront intégrer cette exigence dès aujourd’hui disposeront d’un avantage concurrentiel décisif dans un marché où la confiance et la transparence redeviennent des valeurs centrales.
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